Marie Dominique
I
J’étais un soldat de marine,
J’venais d’m’engager pour cinq ans,
J’avais vingt ans belle poitrine,
Comme dans l’refrain du régiment,
Dans les bistrots près de Lourcine,
Les anciens m’en faisaient un plat,
Tu verras c’que c’est qu’l’Indochine,
Écoute la chanson d’un soldat;
Refrain
Marie, Marie-Dominique
Que foutais-tu à Saïgon?
Ça ne pouvait rien faire de bon,
Marie-Dominique,
Je n’étais qu’un cabot clairon,
Mais je me rappelle ton nom,
Marie-Dominique;
Est-ce l’écho de tes prénoms,
Ou le triste appel du clairon?
Marie-Dominique.
II
Je ne savais pas que la chance,
Ne fréquentait point les Caynas,
Et qu’en dehors de la cuistance,
Tout le reste ne valait pas ça,
Tu m’as fait comprendre des choses,
Avec tes p’tits airs insolents,
Et j’n’sais quelles apothéoses,
C’était l’plus clair de mes tourments,
III
Ce fut Marie la Tonkinoise,
Qui voulut faire notre bonheur,
En m’faisant passer sous la toise,
Dans l’vieux Cholon ou bien ailleurs,
Tu était rusée comme un homme,
Mais ton but j’l’voyais pas bien,
Avec ta morale à la gomme,
Au cours de la piastra à Nankin.
IV
Tu m’as gâté mon paysage
Et l’avenir quand sur le transport
Je feuilletais de belles images
Peintes comme des bouddhas en or,
Où sont mes buffles dans la rizière,
Les sampans, l’arroyo brumeux,
Les congaï, leurs petites manières
Devant le pouvoir de tes yeux.