Fanfan la Tulipe

I
Comme l’mari de notre mère
Doit toujours s’appeler papa,
Je vous dirai que mon père
Un certain jour me happa,
Puis me m’nant jusqu’au bas de la rampe
M’dit ces mots qui m’mirent tout sens d’ssus d’ssous :
J’te dirai, ma foi,
Qu’i’n’y a plus pour toi
Rien chez nous,
V’là cinq sous,
Et décampe.
Refrain
En avant,
Fanfan la Tulipe,
Oui, mill’ noms d’une pipe,
En avant !
II
Puisqu’il est d’fait qu’un jeune homme,
Quand il a cinq sous vaillant,
Peut aller d’Paris à Rome,
Je partis en sautillant.
L’premier jour je trottais comme un ange
Mais le lend’main je mourais quasi d’faim.
Un recruteur passa
Qui me proposa,
Pas d’orgueil,
J’m’en bats l’œil,
Faut que j’mange
III
Quand j’entendis la mitraille,
Comme je regrettais mes foyers !
Mais quand je vis à la bataille
Marcher nos vieux grenadiers ;
Un instant nous sommes toujours ensemble,
Ventrebleu ! me dis-je alors tout bas :
Allons, mon enfant,
Mon petit Fanfan,
Vite au pas,
Qu’on n’dise pas
Que tu trembles
IV
En vrai soldat de la garde,
Quand les feux étaient cessés,
Sans regarder à la cocarde,
J’tendais la main aux blessés ;
D’insulter des hommes vivants encore
Quand j’voyais des lâches faire un jeu,
Quoi ! Mille ventrebleu !
Devant moi, morbleu !
J’souffrirais
Qu’un français
S’déshonore !
V
Vingt ans soldat, vaill’ que vaille,
Quoiqu’au devoir toujours soumis,
Une fois hors du champ d’bataille
J’n’ai jamais connu d’ennemis.
Des vaincus la touchante prière
M’fit toujours voler à leur secours ;
P’têt’ c’que j’fais pour eux,
Les malheureux
Le feront un jour
A leur tour
Pour ma mère
VI
Maintenant je me repose
Sous le chaume hospitalier
Et j’y cultive la rose,
Sans négliger le laurier,
D’mon armure je détache la rouille.
Si l’état m’appelait dans les combats,
De nos jeunes soldats
Guidant les pas,
J’m’écrierais :
J’suis français !
Qui touch’ mouille